La Politique Agricole Commune (PAC) - Sénateur Gérard LAHELLEC

La Politique Agricole Commune (PAC)

La Politique Agricole Commune (PAC)

 

 

 

1. EVOLUTION DE LA PAC, LE CONSTAT D’UNE PERTE DE SENS

 

a. Objectif de la PAC

La PAC, créée en 1957 par le Traité de Rome et mise en œuvre à partir de 1962, visait initialement à moderniser et développer l’agriculture européenne par le contrôle des prix et la préférence communautaire. Dès l’origine, ses objectifs furent d’accroître la productivité de l’agriculture, d’assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs, de stabiliser les marchés, de garantir la sécurité des approvisionnements et d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs. Le traité de Lisbonne actuellement en vigueur reprend ces objectifs à l’identique. Les réformes successives de la PAC y ont de facto ajouté des objectifs de respect de l’environnement, de sécurité sanitaire, de bien-être animal et de développement rural.
Une des rares politiques intégrées de l’Union européenne (UE) et fondement de sa construction, la PAC a joué un rôle crucial dans la reconstruction et la modernisation de l’agriculture européenne. Elle a souvent été remise en cause à l’occasion de crises de surproduction dans plusieurs filières, des variations de change de monnaies lorsque l’euro n’existait pas, à la montée en puissance du libre-échangisme, ou encore suite à l’entrée de nouveaux membres au sein de l’Union. La PAC a ainsi fait l’objet de plusieurs réformes (cinq entre 1992 et 2013) entrainant le passage d’un système de soutien des prix agricoles à un système d’aides directes.

 

b. Evolution historique de la PAC

Les agriculteurs bénéficiaient à l’origine d’aides indirectes qui leur assuraient un prix minimum pour leur production en comblant la différence entre prix du marché et prix garanti, de subventions (dites « restitutions ») aux exportations afin qu’elles ne soient pas pénalisées par les prix garantis supérieurs aux prix mondiaux, et enfin d’une préférence communautaire, permettant de protéger le marché Européen de la concurrence de produits importés, par un prélèvement agricole qui constituait une taxe douanière spécifique à ce secteur et qui a longtemps alimenté le budget européen.
La Commission européenne régula les marchés agricoles jusqu’en 1992. Dans un contexte mondial de libéralisation du commerce dans le cadre des accords du GATT1 puis de l’OMC2, de forte croissance de la consommation dans les pays émergents, ainsi que pour répondre aux crises de surproduction sur les marchés européens protégés, la Commission a de plus en plus relâché son contrôle des marchés. Elle le fit en passant d’un système d’intervention qui fixait des prix publics, à un système d’aides directes (1er pilier de la PAC). En 1999, pour anticiper l’arrivée de produits à faibles coûts de production sur le marché unique du fait de l’élargissement prévu en 2004, l’UE poursuivit la diminution des prix garantis et la compensa par une augmentation des aides directes. C’est à cette époque que la notion de développement rural par la création d’un second pilier de la PAC a émergée.
En 2003, en anticipation d’un futur accord à l’OMC (cycle de Doha qui n’a en fait jamais été conclu), les aides directes furent découplées de la production. Les agriculteurs ne touchèrent alors plus les aides en fonction du type et du volume de leur production. Les Droits à Paiement Unique (DPU) à l’hectare furent conçus comme des outils « neutres » n’ayant pas d’influence sur les choix des agriculteurs. En 2013, les droits à paiement de base (DPB) furent une évolution marginale des DPU avec l’introduction d’une conditionnalité environnementale appelée « verdissement », ainsi qu’un processus à long terme de convergence des aides à travers l’Europe.

 

c. La PAC actuelle

Aujourd’hui la PAC comporte deux piliers : le premier étant censé assurer une certaine stabilité des marchés et des revenus agricoles, le second fixant des orientations agricoles à travers des mesures ciblées. Le premier pilier occupe plus des trois quarts du budget de la PAC.
Les aides directes constituent l’essentiel du premier pilier. L’aide de base est versée à tous les agriculteurs en fonction de leur surface agricole utile (SAU). Cette aide de base à l’hectare est complétée par des aides conditionnées à des critères environnementaux (« verdissement »), et par des aides pour certains types de production (« recouplage » jusqu’à 13% de l’enveloppe nationale) pour les Etats qui ont choisi de les activer comme la France. Enfin, certains états comme la France ont choisi de mettre en place un paiement dit « redistributif » qui renforce les aides aux 52 premiers hectares et favorise les petites et moyennes exploitations.Le premier pilier conserve encore quelques outils de gestion de marché comme les aides au stockage. Toutefois, ils ne sont quasiment jamais utilisés par la Commission qui a pourtant la charge de les activer lorsqu’elle l’estime justifié. La Commission concentre de fait son action sur la réaction aux crises les plus extrêmes plutôt que sur leur anticipation
Comme c’était le cas auparavant. Le second pilier est quant à lui une boîte à outils contenant toute une série de mesures ciblées, certaines obligatoires, d’autres optionnelles au choix des états ou des autorités de gestion (comme les Régions en France depuis 2014). Les principales mesures sont l’aide aux jeunes agriculteurs, les aides à l’investissement pour moderniser les exploitations, les mesures agro-environnementales et climatiques qui accompagnent les changements de pratique, les aides à l’agriculture biologique, les aides aux zones difficiles comme la montagne, ou encore les dispositifs d’assurance et les fonds de mutualisation.
Le second pilier est dit de développement rural, mais au sens strict le développement rural hors agriculture ne concerne qu’une part très minoritaire du second pilier. Elles sont gérées à l’échelle des territoires (les Pays en Bretagne) et leur utilisation est décidée par des comités locaux incluant des élus et des acteurs du territoire.

 

d. Retrouver le sens perdu de la PAC ?

La politique agricole commune est essentiellement un contrat social entre le monde agricole et la société européenne :il donne aux agriculteurs les moyens de garantir l’approvisionnement alimentaire des européens, tant en quantité qu’en qualité. Le principal outil de ce contrat social a longtemps été le contrôle des prix, aujourd’hui ce sont les aides directes. Lorsqu’ils font leurs courses, les européens ne paient pas le véritable coût de leur alimentation. C’est la PAC qui paie la différence. Cette dimension sociale de la PAC qui profite avant tout aux consommateurs les moins fortunés ne doit pas être oubliée.
Les réformes successives de la PAC ont affaibli ce contrat social. Pas du point de vue des consommateurs, mais de celui des agriculteurs. La politique de dérégulation a été poussée tellement loin qu’en période de crise, les aides directes ne suffisent plus à compenser la différence entre prix de vente et coûts de production réels.

Cela entraîne de nombreuses faillites, et pire encore, une perte de sens pour les agriculteurs qui ne comprennent légitimement pas à quoi sert de travailler à perte, ce qui pousse même certains d’entre eux au suicide.

Les évolutions de la PAC ont fait perdre de vue les objectifs d’origine. L’article 39 du traité de Rome, repris intégralement dans le traité de Lisbonne, spécifie que la PAC a notamment pour but d’assurer la stabilité des marchés et surtout d’assurer un revenu équitable aux agriculteurs. Force est de constater que depuis l’introduction des aides découplées il y a un peu plus de 10 ans, ces objectifs ne sont plus remplis.

 

e. Géopolitique de l’agriculture

Contrairement à une croyance répandue, les produits alimentaires sont loin d’être les marchandises qui s’échangent le plus à l’échelle mondiale. Si le marché unique à l’échelle européenne a bien évidement intensifié les échanges au sein de notre continent, les échanges intercontinentaux de produits alimentaires sont en réalité limités, aux alentours de 5 %. Toutefois, le marché des produits alimentaires est caractérisé par une inélasticité exceptionnelle : d’un côté les consommateurs ne peuvent pas faire varier notablement leur consommation, ils cessent de manger quand ils n’ont plus faim. De l’autre, les agriculteurs qui travaillent sur du vivant ne peuvent faire varier que lentement leur production, au mieux d’une année sur l’autre pour les cultures annuelles, mais souvent sur plusieurs années voire décennies en élevage, viticulture ou arboriculture. La conséquence est qu’une très faible variation de production ou de consommation fait varier les prix très fortement. En d’autres termes, une faible variation sur les 5 % concernés par les échanges mondiaux suffit à dicter les prix.
La PAC doit donc impérativement tenir compte de la donne géopolitique. Les grandes puissances agricoles mondiales Comme les Etats-Unis, la Chine ou le Brésil accroissent le soutien public à leur agriculture depuis les années 2000, alors que l’Europe a eu tendance à le réduire. L’UE a adopté au début du siècle une stratégie du « bon élève » dans les négociations commerciales à l’OMC, anticipant les contraintes dans l’espoir d’améliorer sa position de négociation.
Ces négociations multilatérales se sont depuis enlisées et aucun accord n’a été conclu, au point que les grandes puissances mondiales ont préféré engager des discussion bilatérales (TAFTA, CETA, UE/Mercosur par exemple). La stratégie européenne fut donc un échec évident, mais n’a pour l’heure jamais été révisée. Enfin, les pénuries alimentaires de l’année 2009 à travers le monde, qui ont joué un rôle déterminant dans le déclenchement des printemps arabes, a rappelé au monde l’enjeu vital de la souveraineté alimentaire. La plupart des grands pays du monde adoptent désormais une attitude plus protectrice vis-à-vis de leur agriculture. Il semble que cette prise de conscience n’ait pas encore atteint l’Europe.

 

f. Contexte inédit du Brexit

Le Royaume-Uni devrait quitter l’Union. Ce « Br exit » aura des conséquences directes sur les négociations de la future PAC. D’une part, le solde entre la contribution britannique au budget de l’UE et ce que le Royaume-Uni percevait de l’Union s‘élève à environ 10 G€ par an. La PAC étant le premier budget de l’Union avec la politique de cohésion, elle sera forcément affectée par cette impasse budgétaire. D’autre part, le départ des britanniques, qui étaient les adversaires les plus acharnés de la PAC depuis leur adhésion en 1973, va forcément changer la dynamique des négociations et renforcer la position des pays pro-PAC comme la France, l’Espagne ou l’Italie.

 

g. Relance de l’intégration

Le « Brexit » a paradoxalement relancé la volonté d’intégration de la plupart des pays membres de l’Union. Le soutien au lancement de nouvelles politiques communes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la défense, n’a pas été aussi fort depuis les années 1980. Les états vont devoir trouver les ressources nécessaires pour financer ces nouvelles politiques, ce qui va accroître la pression budgétaire sur les politiques existantes comme la PAC et la politique de cohésion.

 

h. Un débat sous contrainte budgétaire

La Commission européenne a déjà proposé plusieurs scénarios pour l’évolution de la PAC, dans le cadre de sa réflexion budgétaire. Sur cinq scénarios, quatre proposent une réduction du budget, un seul son maintien. Le risque d’un démantèlement de la PAC par sa renationalisation est avéré, avec des conséquences en termes de distorsion de concurrence au sein d’un marché commun. Le document pêche par l’absence d’une ambition stratégique pour l’agriculture européenne nécessairement.
Toutefois, un règlement appelé « Omnibus » est en phase finale de discussion entre les institutions européennes (Commission, Parlement et Conseil). Il vise à promouvoir des règles plus simples et plus souples de mise en œuvre de la PAC, mais surtout un renforcement du pouvoir de négociation des agriculteurs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, et de meilleurs outils pour faire face aux risques de production et de marché. Ce règlement constitue un prélude à une probable prochaine réforme de la PAC. Il laisse entrevoir une évolution de la doctrine libérale, au moins au niveau de la Direction de l’agriculture de la Commission, impression renforcée par les dernières déclarations publiques du Commissaire Hogan.

 

i. Calendrier

Les fonds européens sont programmés sur une période de 7 ans. La période actuelle va de 2014 à 2020. Un nouveau règlement devra donc entrer en vigueur au début de l’année 2021 jusqu’ en 2028. C’est bien sûr l’opportunité d’une réforme de la PAC dont il est impossible aujourd’hui d’anticiper si elle sera une simple évolution cosmétique, ou une véritable refondation.
Les débats sur cette future réforme ont déjà débuté au sein des institutions européennes, qui sont co-décisionnaires. Le Parlement et le Conseil devront donc se mettre d’accord, ce qui allonge bien évidemment la durée des débats. Toutefois, la prochaine réforme s’inscrira dans le contexte inédit du « Brexit ». Il est prévisible que les débats sur la prochaine réforme de la PAC ne seront pas concluants tant que l’Union n’aura pas de visibilité sur la condition de sortie du Royaume-Uni et donc sur son futur budget. Une accélération des discussions sur la future PAC est donc à prévoir.

 

 

 

 

2. IMPACT SUR UNE GRANDE REGION AGRICOLE : LA BRETAGNE

 

La Bretagne est une des principales régions agricoles de France et d’Europe, tout particulièrement en ce qui concerne les filières d’élevage et légumières. Elle compte 34 000 exploitations et 68 000 agriculteurs. Sa production alimente une industrie agroalimentaire qui emploie 58 000 personnes. L’agriculture et l’industrie agroalimentaire occupent une place centrale dans l’économie régionale. Mais surtout, elles font partie des rares secteurs économiques à être actifs sur l’ensemble du territoire et elles sont souvent les principaux pourvoyeurs d’emplois dans les territoires ruraux.

 

a. La PAC en chiffre

Pour la programmation 2014-2020, la PAC représente 363 milliards d’euros à l’échelle européenne dont 278 milliards sont alloués au 1er pilier (aides directes et mesures de marché) et 85 milliards au second pilier (aides ciblées et développement rural). La France bénéficie de 63,7 milliards, soit 9.1 milliards par an en moyenne.
Pour la Bretagne, le premier pilier était doté en 2016 de 474,6 M€. Le second pilier (FEADER) est doté en Bretagne de o368 M€ pour 7 ans, soit 52,6 M€ en moyenne par an. Par conséquent, chaque année, la PAC apporte plus de 500 millions d'euros d’aides européennes à l'agriculture bretonne. A cela il faut ajouter les cofinancements de l’Etat, de la Région et des Départements qui portent le budget du FEADER à 668 M€ sur 7 ans.

 

b. La PAC en Bretagne

Les aides du 1er pilier de la PAC représentent un pourcentage plus ou moins important du revenu agricole selon les filières, allant de 20% pour la production légumière à 135% pour la production de viande bovine (ce qui signifie que cette production serait déficitaire en l’absence d’aides).

 

S’agissant du FEADER, la Région a fait le choix de prioriser pour la programmation actuelle le renouvellement des générations, les mesures agro-environnementales (dont le soutien à l’agriculture biologique) et la modernisation des exploitations.

 

L’agriculture bretonne reste dominée par les filières d’élevage et en particulier l’élevage laitier et l’élevage hors-sol (porc, volaille). Les produits de ces filières, souvent peu transformés et dégageant donc peu de valeur ajoutée (beurre, poudre de lait, carcasses, pièces de viande, œufs), sont pour une part importante destinés à l’exportation. On observe sur les dernières années une tendance progressive à la « montée en gamme » avec une transformation plus poussée et une augmentation de la valorisation des produits agricoles. L’activité agricole en Bretagne demeure donc très ouverte sur le monde et très sensible aux variations des prix mondiaux. Du fait du poids de l’élevage laitier en Bretagne, la région a été une des plus grandes bénéficiaires de la PAC puisque cette production était particulièrement soutenue.

 

Avec le découplage et la convergence, c’est de moins en moins le cas aujourd’hui. Comme les autres régions de France et d’Europe, les revenus agricoles de la Bretagne ont connu des variations beaucoup plus importantes qu’auparavant sur les dix dernières années. Ces variations peuvent être à la hausse mais en période de crise la baisse brutale de revenu pousse davantage d’agriculteurs à la faillite.

 

La Bretagne, grande région agricole, doit faire entendre sa voix dans le débat européen sur l’avenir de la PAC, d’autant plus qu’elle assure depuis 2014 la gestion du second pilier. L’élaboration d’une position sur la PAC devait nécessairement faire l’objet d’une large consultation publique. Cette dernière a pris la forme d’une consultation en ligne accessible à tous, de quatre réunions territoriales (une par département), d’une séance de travail de la Commission Economie, agriculture et mer, Europe appuyée sur des auditions, et d’une réunion de restitution.

 

 

 

 

 3. QUELQUES ORIENTATIONS A FAVORISER

 

La démarche entreprise par la Région a été unanimement saluée. La consultation a largement mobilisé, au-delà même du monde agricole, et malgré un sujet aussi technique que peut l’être la PAC. En effet, 115 personnes se sont réunies le 25 septembre à Pleyben (29), 80 le 26 septembre à Quintin (22), 70 le 27 septembre à Baud et 100 personnes le 28 septembre à L’Hermitage (35).
Différentes thématiques telles que les objectifs de la PAC, le budget, la question de la régionalisation totale de la PAC, les problématiques du statut de l’agriculteur et du soutien au revenu, la nécessité d’un plafonnement des aides orientées à la production, l’enjeu du renouvellement générationnel, l’adaptation aux attentes sociétales ou encore la question du modèle de production ont rythmé les quatre réunions publiques.
Les échanges étaient apaisés sans antagonismes marqués dans les prises de position et ce, dans chacune des réunions.
Les participants et les organisations auditionnées ont fait part de leur volonté d’avoir une PAC lisible, accessible, fondée sur un budget conséquent et dont la dimension alimentaire serait renforcée. Ils ont reconnu la bonne gestion du second pilier par la Région et appelé à une simplification intelligente dans la mise en œuvre à l’échelle régionale. Il n’y a, par ailleurs, aucune remise en question de l’architecture 1er pilier (stabilité) - second pilier (orientations), mais une aspiration à ce que la régionalisation soit cantonnée au deuxième pilier de la PAC.
Tous se sont accordés sur la nécessité de développer une définition de l’agriculteur actif et d’y conditionner des aides directes plafonnées et orientées vers la production. Un autre point de consensus réside dans la volonté d’orienter la PAC vers la gestion des risques et de favoriser une meilleure organisation des producteurs. Les participants ont également encouragé le renouvellement générationnel et la cohabitation des différents modes de production. Le renforcement du second pilier (aides à l’installation, modernisation et compétitivité, mesures d’adaptation environnementale, autonomie des exploitations et aménagement du territoire) et l’anticipation des évolutions sociétales ont également fait l’unanimité. En outre, la question du changement climatique, la réduction de la pénibilité du travail, le facteur emploi et la révision du droit européen de la concurrence sont autant de points de convergence. Il existe néanmoins des points de débat sur le niveau de recouplage des aides et sur les outils de gestion des risques à appliquer et/ou à développer (système assurantiel, aides contra cycliques, fonds de mutualisation…).

 

a. Pour une PAC plus régulatrice

Le Conseil régional de Bretagne considère que l’Union européenne est allée trop loin dans la dérégulation de la PAC. Aujourd’hui, cette politique ne respecte plus les objectifs de stabilisation des marchés et de garantie d’un revenu décent aux agriculteurs, pourtant fixés par le Traité. Il n’est bien évidemment pas question de revenir à la PAC d’avant 1992, mais bien de trouver un nouvel équilibre entre les vertus d’une économie de marché et la nécessité d’une régulation publique lorsque le fonctionnement du marché met en péril les objectifs d’intérêt général de la PAC.
Les outils de gestion privés comme les assurances ont une utilité avérée et doivent être promus, mais ils sont incapables de répondre à l’ensemble des risques auxquels est soumise l’activité agricole, en particulier les risques systémiques qui nécessitent une intervention publique. Afin de favoriser la transparence et le contrôle démocratique, le Conseil régional propose que la Commission européenne publie une doctrine d’utilisation des outils de régulation des marchés à sa disposition. En parallèle, le Conseil régional demande que le commerce des produits agricoles fasse l’objet d’un traitement spécifique dans le cadre des négociations commerciales avec les pays tiers ou groupes de pays tiers. A défaut, les accords commerciaux pourraient vider de leur utilité et même de leur sens les aides de la PAC.
Enfin, le travail déjà entamé par la Commission européenne pour renforcer le pouvoir de négociations des producteurs au sein des filières alimentaires doit être poursuivi et renforcé, notamment le soutien aux organisations de producteurs et la possibilité de déroger à certaines règles du droit de la concurrence pour faire face à la très forte concentration du secteur de la distribution.

 

b. Pour des aides semi-contra cycliques

Les aides directes découplées sont un échec puisqu’elles ne permettent plus d’atteindre les objectifs de stabilisation des marchés et de garantie d’un revenu décent aux agriculteurs. Pire encore, elles constituent un gâchis manifeste d’argent public, puisque ces aides sont versées même lorsque les prix sont élevés et que les agriculteurs n’en ont alors pas besoin. Enfin leur mise en place répondait à une logique d’anticipation d’un accord à l’OMC qui ne s’est jamais concrétisé. Par conséquent le Conseil régional de Bretagne recommande la mise en place d’aides couplées mi-contracycliques.

 

Pour chaque production, un prix plancher et un prix plafond devront être définis et régulièrement actualisés en fonction des coûts de production réels par la Commission européenne. Au sein de cette fourchette de prix, une aide de base à la production (donc couplée) serait fournie dans le cadre d’un fonctionnement libre de marché. En cas de dépassement du plafond, le soutien public devenu excessif serait réduit, voire pourrait même temporairement disparaître. A l’inverse, si le prix descendait en dessous du plancher, une aide compensatoire découplée (pour éviter d’encourager la surproduction) viendrait compléter l’aide de base en même temps que l’activation de mesures de régulation de marché (aides au stockage, incitation à une réduction de production…).
Le Conseil régional est opposé à un cofinancement du premier pilier, car il estime que dans un marché unique européen, les aides à la production doivent rester intégralement du ressort de l’Union européenne pour éviter les distorsions de concurrence.

 

c. Pour un soutien plafonné et réservé aux agriculteurs actifs

Le Conseil régional de Bretagne considère que les aides directes doivent encourager l’emploi, d’autant plus que l’activité agricole est une condition essentielle de vitalité en zones rurales. Par conséquent il recommande que les aides directes soient réservées aux agriculteurs professionnels actifs (à déterminer par une combinaison de critères comme le temps de travail sur l’exploitation, le pourcentage du revenu découlant directement de l’activité agricole, l’inscription à un registre des actifs agricoles…). Afin d‘assurer une répartition équitable des aides, ce soutien devra être plafonné à l’actif et non pas par exploitation.

 

d. Pour un renforcement du second pilier qui accompagne les mutations

Le second pilier offre une palette de mesures ciblées qui complètent les aides directes du premier en permettant d’anticiper les évolutions et de répondre aux besoins les plus pressants, au plus près des réalités des territoires. Le Conseil régional de Bretagne considère que les Régions sont donc l’échelon pertinent pour une meilleure adaptation des mesures du second pilier aux spécificités des territoires. Il considère que les mesures d’aide à l’installation des jeunes, d’aide à la modernisation, d’aide aux évolutions de pratiques et d’aide aux organisations de producteurs sont essentielles et devront continuer à être proposées aux autorités de gestion.
La politique de développement rural stricto sensu, c’est-à-dire le programme LEADER, a des objectifs et des modalités différentes des autres mesures du second pilier qui sont destinées à l’agriculture. Par conséquent le Conseil régional préconise que le budget et les aides du programme LEADER soient transférés à la politique de cohésion.

 

e. Pour un budget maintenu et pluri-annuel

Le développement éventuel de nouvelles politiques européennes ne doit pas être un prétexte pour réduire le budget de la PAC. Si de nouvelles politiques communes sont instaurées, ce n’est pas à l’agriculture d’en subir les conséquences et elles devront s’accompagner de nouvelles ressources. Le contexte géopolitique nécessite au contraire d’afficher une ambition forte pour l’agriculture européenne. Le Conseil régional préconise donc une stabilité du budget de
la PAC sur la période du cadre financier de sept ans. Contrairement à la pratique actuelle, la mise en place d’aide semi-contracycliques nécessitera une pluri-annualité budgétaire pour le premier pilier, comme c’est déjà le cas pour le second. Si le système d’aides directes proposé par le Conseil régional est bien géré par la Commission européenne, sa plus grande efficience conduira vraisemblablement à terme à une diminution des montants dépensés

 

f. Pour une PAC plus simple et une gouvernance clarifiée

Un partage clair des responsabilités entre la Commission européenne, l’Etat et la Région est nécessaire pour une indispensable simplification de la PAC. Au-delà des aspects législatifs qui doivent rester du ressort des institutions européennes, la Commission européenne doit se concentrer sur l’utilisation réactive et proportionnée des outils de gestion de marché à sa disposition, l’Etat doit continuer à gérer les aides du premier pilier, et les Régions doivent se voir confier l’intégralité de la gestion du second pilier, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
En particulier, le cadre national du FEADER qui contraint très fortement la gestion du second pilier par les Régions doit être réduit au strict minimum ou même être supprimé. Ce cadre national a été la source de lourdes complexités et dysfonctionnements qui ont notamment abouti à plus de deux ans de retard pour le paiement des aides.
Le Conseil régional, en sa qualité d’autorité de gestion, est prêt à travailler avec la Commission et l’Etat pour mettre en place des mesures de simplification, en ayant pour priorité que cette simplification soit ressentie avant tout par les bénéficiaires dans une logique d’obligation de résultats et non plus de moyens.

 

 

 

MON INTERPELLATION DU MINISTRE DE L'AGRICULTURE

Débat sur la future PAC le 5 mai 2021
 

Le traité de Lisbonne spécifie que la PAC a pour but d'assurer la stabilité des marchés et surtout un revenu équitable aux agriculteurs.

 

Force est de constater que depuis le découplage des aides, ces objectifs ne sont plus remplis. SI la PAC demeure un levier d'accompagnement majeur de l'agriculture, nous avons besoin d'un paiement plus juste. Un agriculteur qui fait du maîchage sur 1ha avec 5 emplois ne perçoit que 50 000 euros quand un céréalier avec 3 emplois sur 5000ha en perçoit 1 million.

 

Monsieur le Ministre, nous ne préconisons pas d'imposer des prix administrés ! Il s'agit au contraire d'avoir une approche européenne constructive pour que notre agriculture soit défendue !

 

1. Pourquoi ne portons-nous pas le paiement distributif à 20% (actuellement bloqué à 10 alors que l'Allemagne va le porter à 12) ? Il permettrait une distribution plus équitable des aides du 1er pilier PAC et un emeilleure rémunération des 52 premier ha. Un soutien donc aux petites exploitations ! On voit bien qu'on a besoin de quelque chose de plus redistributif.

 

2. De plus, pourquoi ne pas porter des éco-schémas plus ambitieux que le paiment vert actuel et ne pas s'appuyer sur les régions pour la mise en oeuvre des mesures agro-environnementales et climatiques ?

 

Je conclus en vous disant qu'il faut obtenir de l'Europe 2 choses : le principe de subsidiarité et la possibilité pour la France de plafonner er moduler elle-même ses aides !