La loi Duplomb : un tour de passe-passe

3 juillet 2025

arbre de vie en hommage aux donneurs d’organes

Alors que l’Assemblée nationale a voté une motion de rejet préalable du texte, voilà que la CMP est parvenue à un texte conclusif entre les sénateurs et les députés..

 

Curieux exercice démocratique que celui de confier à 14 parlementaires sur 925 au total, le soin de configurer une PPL pour, nous dit-on, libérer le métier d’agriculteur.
Curieux exercice démocratique que de confier à une CMP le soin d’aboutir à un texte alors que les députés ont fait valoir une motion de rejet préalable !
Curieux exercice démocratique que de voir une CMP adopter un texte majoritairement rejeté par la représentation nationale.
Curieux exercice démocratique que d’inscrire dans les textes originels de cette loi et même de la LOA des articles dont on sait qu’ils ne sont pas constitutionnels ! J’en veux pour meilleure preuve cet article originel consistant à vouloir inscrire dans la loi le caractère peu grave d’une atteinte à l’environnement si l’acte était involontaire !

Un point de satisfaction cependant : l’encadrement des compétences de l’Anses en matière d’autorisation de produits phytosanitaires a été retirée. Maigre consolation car la nouvelle version de la loi ressemble à peu de choses près au texte initial, les principaux articles qui font débat ayant été maintenus.

 

Et dire que la procédure est tout à fait légale pour faire adopter un texte qui, au fond, n’est soutenu majoritairement qu’au Sénat ! Comme la majorité sénatoriale a la majorité politique à la CMP, le tour de passe passe est facile. Je ne suis pas sûr que ceci correspond exactement à l’esprit de nos institutions, de notre constitution ni aux principes du bicamérisme ! Très sincèrement, avec l’instrumentalisation de telles procédures nous ne réhabiliterons pas la vie politique dans notre pays et il ne faudra s’étonner demain de voir fleurir des commentaires démagogiques qui nous mettrons tous en accusation !

Certes, nos agriculteurs n’en peuvent plus et lorsque les situations de crise qu’ils subissent les mettent dans l’impasse, comment ne pas comprendre que toutes les procédures et autres paperasseries qu’on leur impose les exaspèrent !

Alors, il est facile de s’attaquer aux normes, aux administrations, aux fonctionnaires, à l’INRAE, à l’ANSES ! C’est plus facile que de s’attaquer aux causes qui provoquent cette situation de crise.

Or, avec cette PPL, nous savons tous que nous ne répondrons pas aux enjeux du développement durable de notre agriculture. La décapitalisation des cheptels laitiers et allaitants s’inscrit dans la durée. En 7 ans, le cheptel français laitier a perdu 409 000 têtes pour atteindre 3,37 millions de vaches laitières et le cheptel français allaitant a perdu 564 000 têtes pour atteindre 3,47 millions de vaches allaitantes en décembre 2023. Entre 2023 et 2024, la production laitière dans notre seul département des Côtes d’Armor, a chuté de 10 Millions de litres !

À l’heure où le commerce international de produits agroalimentaires n’a jamais été aussi dynamique, la France est l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent : elle est passée de deuxième à cinquième exportateur mondial en vingt ans. La France est désormais déficitaire avec l’Union européenne en matière alimentaire depuis 2015. Prendre à bras le corps les difficultés des agriculteurs aurait nécessité l’ouverture d’un grand débat sur l’insécurité économique générée par l’insuffisance du retour de la valeur ajoutée à la ferme !

Mais ce texte va surtout accentuer encore le risque « d’agri-bashing » et de stigmatisation des agriculteurs. Notre société est de plus en plus sensible aux questions de la santé et de la préservation de l’environnement et une PPL qui s’en affranchit totalement en allant jusqu’à mettre sous tutelle les avis scientifiques ne peut que renforcer le doute négatif !

Cette PPL reste donc à contrecourant, car pour défendre la pérennité d’une agriculture de production nous aurons besoin d’une grande ambition publique en matière de recherche de préconisations et de garanties pour notre santé !

Ainsi, par exemple, les fourrages assez miraculeux que nous utilisons aujourd’hui devront vraisemblablement céder la place progressivement à d’autres végétaux moins gourmands en eau en périodes de de sécheresse ! Et pour cela, nous aurons besoin de recherches et d’expérimentations ! Oui, nous avons besoin d’expertises techniques, sanitaires et agro écologique !

Le texte, dans la version qui nous est proposée, propose une dérèglementation des normes pour nous aligner sur la situation des pays les moins disant, au plan social comme au plan environnemental.

Ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à voter contre ce texte.