L’agriculture toujours au bord de la rupture…

14 mai 2025

Quelle action de la France pour prendre en compte l’enjeu environnemental ?

Le contexte économique mondial, aggravé par les tensions et les guerres, bouleverse lourdement nos activités agricoles et agro-alimentaires. C’est aussi dans ce contexte que se présente la transition alimentaire. Les stratégies préfigurées ces dernières années méritent d’être revisitées. Ainsi, par exemple, d’une situation dans laquelle notre agriculture pouvait afficher un excédent en matière d’équilibre de la balance des échanges, la France affiche désormais un solde net d’importations de produits alimentaires si nous n’y intégrons pas les vins et spiritueux. Dans un tel contexte de tension, se pose aussi la question de savoir quelles productions pourrions-nous reconquérir alors que certaines de nos filières se trouvent déjà en grande difficulté.

Ceci conduit d’emblée à se poser 2 questions :
1 – Tous les échelons des filières considérées (producteurs agricoles, industrie et grande distribution) sont-ils prêts à converger dans la construction d’une stratégie jouant la carte de la « préférence » européenne ou certains de celles-ci vont-ils préférer jouer la carte du commerce mondialisé au sein duquel le plus compétitif essaiera de tirer son « épingle du jeu » ?
2 – Les orientations politiques européennes et nationales se tourneront-elles vers un soutien à la production ou vers un encouragement à exacerber encore et toujours plus la concurrence ?

Ainsi, en Bretagne, toutes nos filières d’élevage sont en difficulté. Nos productions enregistrent des baisses dramatiques. Or, aucune disposition envisagée à ce jour ne parle de soutien à la production. La production laitière enregistre des reculs particulièrement inquiétants et la production de volaille subit les assauts de la concurrence toujours plus féroce des importations devenues incontournables pour nos industries.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine et dans la perspective souhaitable du règlement du conflit au plus vite, quel choix fera l’UE ? Le choix de la préférence communautaire pour soutenir nos producteurs ou celui d’une plus grande ouverture à l’Ukraine compte tenu de l’injuste agression dont elle est l’objet de la part de la Russie ? Et dans la perspective de la future PAC, le choix sera-t-il de privilégier le libre échange en donnant quelques gages bienveillants à la sensibilité environne-mentale ou de soutenir enfin les productions qui ont le plus besoin de soutien ?

Au cours des décennies écoulées et notamment depuis son intégration au sein de l’OMC, la politique agricole est devenue de plus en plus commerciale et de moins en moins agricole ! N’est-il pas temps de poser en grand l’exigence de soutien à la production et au financement des stocks car ces seules mesures sont de nature à conforter les investissements ?

Dans cet univers très incertain, la grande distribution est aussi en crise. Une statistique sur le budget alimentation mensuel moyen des Français en 2023 met en lumière un écart de plus de 200 euros mensuels entre les foyers gagnant plus de 3.500 euros par mois et ceux touchant moins de 2.000 euros. On peut donc dire que plus les salaires sont bas et plus les ménages réduisent la part consacrée à l’alimentaire. Lourdement surendetté, le groupe Casino est surtout confronté depuis la guerre en Ukraine à une réduction de ses marges liée justement à l’inflation alimentaire. Faisant partie des enseignes à la politique de prix la plus élevée. Après des années de forte croissance, le marché du bio enregistre une crise depuis 2023 plus importante que celle qui touche les produits conventionnels.

C’est aussi dans cet univers qu’il nous faut aborder la question de la décarbonation de notre agriculture et des économies d’énergie. D’emblée, il convient de souligner ici qu’au plan social, ce n’est pas en rendant moins cher le coût de l’alimentaire que l’on viendra en aide aux consommateurs ! C’est en développant une politique ambitieuse en matière de régulation de la distribution et de la vente d’énergie et en encourageant une politique sociale du logement dont le coût est devenu la composante essentielle de la dépense des ménages.

En matière de décarbonation, la valorisation de la biomasse ne doit pas se substituer aux activités nourricières de notre agriculture. S’il est vrai qu’au plan du bilan économique de la ferme, la valorisation de la biomasse constitue une perspective, il faut alors aborder plus globalement les soutiens à apporter à la ferme en matière énergétique et en y associant par exemple la détaxation du gasoil non routier (tout simplement parce qu’il n’y a pas d’alternative pour l’instant).

Le contexte particulièrement tendu que nous vivons nous enseigne que l’heure n’est pas à inventer des petits bricolages de circonstance pour accompagner une agriculture en grande souffrance. L’heure est à relever le défi de la production nourricière si nous voulons conserver notre souveraineté alimentaire.