Une petite loi d’orientation agricole

13 février 2025

Quelle action de la France pour prendre en compte l’enjeu environnemental ?

Les hasards du calendrier ont voulu que nos débats au Sénat se rapportant à l’agriculture coïncident avec les élections aux chambres d’agriculture.

Dans le strict respect d’un scrutin qui appartient en propre aux agriculteurs et aux salariés agricoles eux-mêmes et sans faire dire au scrutin autre chose que ce qu’il signifie, on peut dire que la colère continue à s’exprimer dans le monde paysan. Et c’est normal car ici le revenu n’est jamais garanti d’avance en raison de l’incertitude permanente qui plane sur l’avenir des filières et sur la fixation des prix agricoles. Ces derniers ont été anormalement bas depuis deux ans dans presque toutes les filières de production.  Ajoutons que lorsque l’on se trouve être la représentation d’exploitations céréalière de plusieurs centaines d’hectares et de ce fait percevoir beaucoup d’aides à l’hectare du budget de la Politique agricole commune (PAC), il ne faut pas s’étonner que ceci accentue la colère de beaucoup de paysans qui vivent sur des exploitants de moindre superficie que la moyenne nationale (d’environ 68 hectares).

La LOA aurait pu constituer la bonne occasion pour fixer un certain nombre d’objectifs, pour infléchir un certain nombre d’orientations et se donner ainsi les moyens d’œuvrer dans le sens du développement durable de notre agriculture. Il n’en est rien, bien au contraire !

Les principales dispositions retenues consistent à considérer que la planche de salut de notre agriculture résiderait dans une recherche de compétitivité à tout prix, permettant une intensification de la productivité en s’affranchissant d’un certain nombre de contraintes règlementaires et même de préconisations scientifiques. Ceci a pour effet d’alimenter une dualité entre la société et les agriculteurs.

Certes, les excès de paperasseries et de lourdeurs administratives exaspèrent les agriculteurs et on peut comprendre leurs agacements. Il convient donc de lever ces lourdeurs. Mais en aucun cas ceci ne doit servir de prétexte pour en rabattre sur un certain nombre de prescriptions. Sachons toujours nous rappeler que les labellisations et autres AOP obéissent aussi à des normes et celles-ci nous sont bien utiles pour valoriser la production de nos territoires…

Nous avons relevé enfin que pour répondre à ces objectifs d’intensification des productivités, les options retenues tendent à mettre à mal les potentialités que recèlent l’agro écologie, l’agriculture biologique et l’enseignement de ces disciplines

Enfin, ces orientations établissent un clivage tendant à opposer agriculture et écologie. Certes, l’agriculture de production est une activité humaine indispensable à la survie de l’humanité. Mais pour continuer à assurer cette mission, il est indispensable de se remettre en question. Le modèle de développement à promouvoir ne peut pas être par exemple, celui de l’industrialisation de l’engraissement bovin tel qu’il se pratique dans ces Field-lots au Texas qui font gagner 1 Kg  de poids de viande à chaque bovin, dans ces unités d’engraissement où sont concentrés sur un même site plus de 75 000 bêtes !

Enfin, il y a tous les sujets dont cette LOA ne parle pas !

Nos débats ont mis en lumière un accord assez large autour de l’idée que la mondialisation des prix, pour les tirer toujours vers le niveau le plus bas, est une aberration et à défaut de pouvoir remettre en cause d’emblée l’intégration de l’agriculture dans l’OMC, il eut été pertinent de commencer à travailler sur de nouveaux mécanismes de régulation…

Nous convergeons aussi sur le constat des limites des lois EGALIM qui ne suffisent pas pour assurer un meilleur retour de la valeur ajoutée à la ferme ! La mère des lois, en matière de commercialisation reste la LME de 2008…

Enfin, en matière d’installation et de renouvellement des générations, la question de l’accès au foncier et de sa gestion constitue un aspect essentiel qui n’est même pas abordé dans ce texte…

Je terminerai cette intervention en exprimant deux regrets :

1 – La thématique de la pêche n’est que très peu abordée ici et nous sommes de nombreux parlementaires Bretons à avoir pointé l’impérieuse nécessité de soutenir cette activité. Les collectivités de Bretagne y sont sensibles et disposées à y contribuer mais il nous a été opposé l’article 40 pour un amendement dont l’objet était précisément de réduire la dépense publique…

2 – L’autre regret a trait à la trop faible place consacrée à l’élevage. Un proverbe Breton, que j’exprimerai ici en Français dit : « La terre est faite pour être entre les pattes des animaux » !  Si la société a plutôt perdu confiance dans l’industrie agroalimentaire, nos concitoyens croient encore à la sincérité des éleveurs qui travaillent au contact de la nature. C’est aussi ce qui motive les engagements pour façonner nos paysages, les haies et les bocages….

Ce sont là autant de raisons qui m’ont conduit à ne pas voter ce texte.