Disparition de Bernard Jégou, chercheur émérite breton - Sénateur Gérard LAHELLEC

Disparition de Bernard Jégou, chercheur émérite breton

Disparition de Bernard Jégou, chercheur émérite breton

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,
Cher-e-s Ami-e-s,


Il est, en ces périodes de crise, des jours qui sont encore plus sombres que les nuits les plus noires. Bernard, tu es parti. Tu es parti, toi aussi avec « des valises pleines », comme le disait Béla Bartok et auquel tu avais fait référence toi-même il y a près de 10 ans pour rendre hommage à un de tes amis chercheurs lui aussi trop tôt disparu. Valises pleines d’une famille proche à qui tu as transmis les valeurs qui constituaient les fondements mêmes de ta vie. Valises pleines aussi d’une vie professionnelle toute dédiée au progrès de l’humanité et à la recherche dans toutes ses dimensions. Ces mots sont dérisoires au regard de ce que toute l’humanité te doit. Avec ton départ, c’est toute la civilisation humaine qui perd un de ses plus grands artisans qui, chaque jour, apportait une pierre de plus à la construction du bien commun. Les quelques mots que je prononce aujourd’hui sont donc d’abord ceux de l’ami, ceux de celui qui avait toujours grand plaisir à te retrouver, ceux de celui qui avait en commun avec toi d’être le fils d’un ouvrier agricole et d’un résistant des Côtes d’Armor. Mais je le dis très sincèrement, ces mots seront aussi ceux d’une personne modeste à laquelle ton apport et ton enseignement ont été déterminants pour faire de moi ce que modestement je suis. Ces mots seront donc tour à tour la référence explicite à nos tranches de vies communes, le rappel au souvenir de ta magnifique famille, à ton engagement auprès de nos institutions régionales et désormais à ce qu’il m’est autorisé de dire au nom de la France en ma qualité de parlementaire de la République élu dans le département des Côtes d’Armor.


Mais ce que je retiens de tous les engagements de ta vie, c’est de nous avoir enseigné que « l’homme est possible ». Nous avions projeté, il y a quelques mois, un nouveau petit périple en Centre Bretagne. Nous serions partis de Trébeurden, de Goaz Traez ou de l’île Grande. Nous serions passés saluer Jean Lejeune à St-Nicolas du Pélem et après une halte au monument de la Résistance de « La Pie », nous aurions fait quelques visites à Kergrist-Moelou, à Rostrenen et à Mael-Carhaix comme il nous plaisait de le faire, pas seulement pour honorer la mémoire de celles et ceux qui sont tombés mais pour nous replonger dans l’authenticité de cet environnement dans lequel des femmes et des hommes ont pu révéler le meilleur de ce que l’être humain est capable d’apporter. Oui, ces petites escapades étaient pour nous une belle manière de nous ressourcer. Nous éprouvions le même plaisir, et une des plus grandes satisfactions de notre comité de la résistance populaire en Côtes du Nord, animé par l’ami Aain Prigent, fut la contribution que tu apportas à la rédaction d’un des premiers numéros de cette publication populaire.


C’est ici aussi que se noueront les épisodes les plus magnifiques de notre histoire commune. C’est ici, à Kergrist Moelou que ton papa François, sera arrêté sur dénonciation puis déporté ensuite. La chance qui m’a été donnée de le côtoyer avec sa chère épouse Nana et leurs 3 enfants, toi Bernard, Michel et Alain, m’autorise à affirmer ici qu’il y a un peu comme une hérédité des caractères acquis dans la transmission humaine. Ainsi, François avait lui aussi pour habitude d’utiliser les images que lui procurait sa culture Bretonne pour exprimer sa pensée le plus simplement possible.


Et puis, son identité à lui aussi se lisait dans la profondeur de ses magnifiques yeux bleus qui illuminaient l’immensité de la générosité que recélait le plus profond de son être avec ces élans de tendresse qui ne le quittaient jamais. Au fond, comme nous le rappelait souvent Bernard, il n’y a pas d’un côté la nature et les gênes qui se transmettent biologiquement de générations en générations et de l’autre la culture qui serait étrangère à l’hérédité humaine : il y a tout simplement les deux. Dans cette hérédité culturelle, politique devrais-je dire, lui-même était peu, trop peu ; ce qui importait pour lui c’étaient les autres et c’est sûrement pour ça qu’il avait l’intérêt public de chevillé au corps et à l’esprit. Bernard prônait aussi l’idée d’une recherche républicaine, démocratique, humaine et efficace. Qu’il me soit permis, à mon tour de saluer en particulier son engagement en faveur de la création de de l’Irset (Institut de recherche en santé, environnement et travail, U1085), unité mixte de recherche dont il a été le premier directeur de 2012 à 2019, propulsant les équipes de recherche sur la scène nationale et internationale. Qu’il me soit permis enfin de rappeler ici, à ce propos, les discussions nourries que nous avons eues au conseil régional avec le concours de l’ami Bernard Pouliquen qui, en sa qualité de Vice-Président, a toujours été un allié indéfectible de cette belle cause que tu défendais.


Tu étais déterminé, toi aussi à essayer de prolonger et d’actualiser au mieux la voie ouverte par le Conseil national de la Résistance. Dans ce cadre, lors de la refondation du CNRS en 1945, Frédéric Joliot disait : « Ce n’est qu’au prix d’un développement intense de la science qu’une nation peut vivre heureuse et forte, que c’est par le rayonnement de sa pensée et l’exportation de ses réalisations originales qu’elle justifie sa libre existence parmi les autres grandes nations créatrices ».
Au seuil de la vie et de la mort, Louis Aragon écrivait dans Épilogue: « Hommes de demain, soufflez sur les charbons ».


Bernard, nous ne manquerons pas après toi de souffler sur les charbons des valeurs de la science et de l’importance de son partage universel. Nous saurons également nous souvenir de tout ce que tu as donné et de ton engagement indéfectible.


A toi Emmanuella,
A vous Caroline et Gwen, Antoine et Marianne,
A vous ses petits-enfants, Malo, Anna, Youna et Anouk,
A toi mon cher Alain son frère adoré,
Je vous prie de recevoir ici le témoignage le plus sincère de ma profonde affection.


Quant à toi, mon cher Bernard, je te dis simplement Kénavo.